Tous les matins, cette montagne qui s’ennuie et se prélasse sous le soleil froid. Une belle aiguillère dont la neige toujours plus blanche et plus suave semble palpiter. Les habitants la contournent pourtant sans la voir. La nuit, sans dire mot, elle vient les hanter. Ce qui a été vécu le jour inonde les rêves nocturnes. Le bloc de glace surgit à la surface de la toile. C’est une bataille de la matière qui se tord pour parvenir à prendre forme ; un corps qui se transforme. Dans un mouvement singulier, il semble se multiplier tel un bourdon. Tandis que les habitants se tournent et se retournent dans leur lit, suivant inconsciemment la course de la montagne, celle-ci leur barre le passage. Comme une contredanse opérée à plusieurs. Le paysage fait bloc. Il ne leur reste plus qu’à accepter sa résolution. Ils demeurent alors immobiles dans leurs songes, assis à le contempler, eux qui n’avaient pas levé la tête, plus tôt.