À DEUX DOIGTS

Félix Jousserand

  • tant qu’on n’a pas atteint le point de non-retour
  • on reste à l’intérieur, on pourra toujours dire
  • « il ne manquait qu’un rien », puisqu’il change quelque-chose
  • ça n’en est donc pas un, le bas-côté soupire,
  • centre de rétention des âmes velléitaires,
  • cimetière d’intentions mortes, tu as failli le faire,
  • la dernière impulsion du sauteur en longueur
  • échappe aux spectateurs rivés au bac à sable,
  • la chaussure a mordu, record invalidé,
  • entre les éléments règne une mer de néant,
  • le voilier crie victoire au moment de couler,
  • rature faite ambition, forfaitures faites options,
  • tire encore comme un sourd sur ton mégot cramé
  • et tu pomperas du filtre, tu mangeras du goudron,
  • l’à-peu-près échappe à la relativité
  • comme un savon vicieux, demande à ton patron.
  • avoir presque un parti, presque choisi ton camp,
  • vaut désertion, procès, tout n’est pas toujours cool,
  • l’inachèvement condamne à la déréliction.
  • demande à l’avorton qui court entre les balles
  • s’il n’aurait pas mieux fait de rejoindre une faction,
  • on lui aurait donné une arme et une morale
  • kit de survie en ville contre chair à canon.
  • entre les positions titube une mère en larmes,
  • avant d’avoir suivi le programme à la lettre,
  • avant d’avoir payé comptant la première traite,
  • les avions n’attendent pas, pas de voiture-balai
  • pour les retardataires, Ibis Hôtel peut-être
  • un vol demain matin, conditionnalité
  • des instants et des êtres, à deux doigts de serrer.
  • retour aux vieilles frontières, trafiquants aveuglés
  • par les paquets d’écume explosant au passage
  • de leurs embarcations à moteurs débridés,
  • le douanier pense avoir affaire à un mirage,
  • le hors-bord donne le change, sans sortir un billet,
  • et des gages de déterritorialisation,
  • le temps de se frotter les yeux, il n’est plus là,
  • mouillant au Panama, croisant à l’horizon.
  • l’étrave impose sa loi, la vie suit sans broncher,
  • abolition du jour et de la nuit, passion,
  • adoration d’idoles mortes avant d’être nées.
  • qui est dedans méprise celui qui n’y est pas,
  • des justifications, des désidérata,
  • qui reste sur l’arête s’en tient à l’opinion,
  • les pieds engourdis par l’angle droit du béton,
  • ou pire par le tranchant d’une concrétion calcaire,
  • le jeu n’est plus ouvert, le réveil du volcan
  • surprend les amateurs de trekking réfractaires
  • aux entraves, au danger, dimanche après-midi,
  • entre les explosions règne une mer de lave,
  • jamais n’avoir failli, rentrer chez soi pépère,
  • au lieu de faire la planche au milieu des brandons
  • l’hermaphrodite attend son tour à la clinique,
  • salle d’attente silencieuse, grand jour tant espéré,
  • ce soir plus d’entre-deux, bistouri électrique,
  • choix sans ambiguïté, terre promise à celui
  • qui sait choisir à temps, immatérialité
  • à celui qui transige, abolition de l’être,
  • entre les décisions règne une mer de peut-être.
  • tant qu’on n’a pas atteint le point de non-retour
  • on reste à l’intérieur, on pourra toujours dire
  • « il ne manquait qu’un rien », puisqu’il change quelque-chose
  • ça n’en est donc pas un, le bas-côté soupire,
  • centre de rétention des âmes velléitaires,
  • cimetière d’intentions mortes, tu as failli le faire,
  • la dernière impulsion du sauteur en longueur
  • échappe aux spectateurs rivés au bac à sable,
  • la chaussure a mordu, record invalidé,
  • entre les éléments règne une mer de néant,
  • le voilier crie victoire au moment de couler,
  • rature faite ambition, forfaitures faites options,
  • tire encore comme un sourd sur ton mégot cramé
  • et tu pomperas du filtre, tu mangeras du goudron,
  • l’à-peu-près échappe à la relativité
  • comme un savon vicieux, demande à ton patron.
  • avoir presque un parti, presque choisi ton camp,
  • vaut désertion, procès, tout n’est pas toujours cool,
  • l’inachèvement condamne à la déréliction.
  • demande à l’avorton qui court entre les balles
  • s’il n’aurait pas mieux fait de rejoindre une faction,
  • on lui aurait donné une arme et une morale
  • kit de survie en ville contre chair à canon.
  • entre les positions titube une mère en larmes,
  • avant d’avoir suivi le programme à la lettre,
  • avant d’avoir payé comptant la première traite,
  • les avions n’attendent pas, pas de voiture-balai
  • pour les retardataires, Ibis Hôtel peut-être
  • un vol demain matin, conditionnalité
  • des instants et des êtres, à deux doigts de serrer.
  • retour aux vieilles frontières, trafiquants aveuglés
  • par les paquets d’écume explosant au passage
  • de leurs embarcations à moteurs débridés,
  • le douanier pense avoir affaire à un mirage,
  • le hors-bord donne le change, sans sortir un billet,
  • et des gages de déterritorialisation,
  • le temps de se frotter les yeux, il n’est plus là,
  • mouillant au Panama, croisant à l’horizon.
  • l’étrave impose sa loi, la vie suit sans broncher,
  • abolition du jour et de la nuit, passion,
  • adoration d’idoles mortes avant d’être nées.
  • qui est dedans méprise celui qui n’y est pas,
  • des justifications, des désidérata,
  • qui reste sur l’arête s’en tient à l’opinion,
  • les pieds engourdis par l’angle droit du béton,
  • ou pire par le tranchant d’une concrétion calcaire,
  • le jeu n’est plus ouvert, le réveil du volcan
  • surprend les amateurs de trekking réfractaires
  • aux entraves, au danger, dimanche après-midi,
  • entre les explosions règne une mer de lave,
  • jamais n’avoir failli, rentrer chez soi pépère,
  • au lieu de faire la planche au milieu des brandons
  • l’hermaphrodite attend son tour à la clinique,
  • salle d’attente silencieuse, grand jour tant espéré,
  • ce soir plus d’entre-deux, bistouri électrique,
  • choix sans ambiguïté, terre promise à celui
  • qui sait choisir à temps, immatérialité
  • à celui qui transige, abolition de l’être,
  • entre les décisions règne une mer de peut-être.
  • Félix Jousserand, écrivain, Montpellier.
  • Félix Jousserand, writer, Montpellier.
  • Félix Jousserand, scrittore, Montpellier.